A la sortie du métro, après quelques mètres on passe les sacs à la sécurité. Quand on passe la première porte de la cité, c’est immense, sensation de grandeur partout où le regard se porte. Les cours sont immenses et les palais se ressemblent. Pas évident de s’y retrouver.
La cité interdite a été habitée 4 siècles par 24 souverains successifs jusqu’à son ouverture au public à la fondation de la république de chine. Au XIIIe siècle les Mongols régnaient sur un empire rassemblant toutes les terres de la mer noire à la mer jaune. Pour les chinois occupés, une seule chose leur importait : un barbare était assis sur le trône du fils du ciel. L’empire du milieu n’était plus au centre du monde. Aussi en 1368, une révolte renvoya les mongols dans leurs steppes. La nouvelle dynastie des Ming décida de tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise plus. Le 3e empereur des Ming, Yong Le transféra le pouvoir à Pékin afin d’être plus près de là où les barbares pourraient à nouveau déferler. Ainsi débuta en 1406 sur une durée de 14 ans la construction de la cité pourpre interdite.
La construction est conforme aux prescriptions architecturales consignées depuis 2000 ans dans le « livre des rites » de Li Ji. La règle est la suivante : salle d’audience devant, logement derrière. Ainsi le palais est divisé en deux : partie officielle extérieure au Sud, partie privative intérieure au Nord. Trois palais sont déclinés à l’identique dans chaque partie. Le culte des ancêtres est à l’Est et le culte de la terre à l’Ouest. La conception de la cité est conforme à la tradition écrite puisqu’elle se présente comme un idéogramme : le rapport entre la largeur et longueur est de 7 sur 10 soit le cadre dans lequel tous les chinois apprennent à tracer les caractères depuis 2000 ans. Elle est ceinte de remparts qui atteignent 10m de haut et de portes jusqu’à 13m.
La cité couvre 72 hectares de surface soit le double de l’Etat du Vatican. Le pourpre est en chine couleur impériale. Son nom cité interdite car il était défendu à quiconque longeant ses remparts de seulement tourner la tête en direction de la cité.
Les toits sont recouverts de tuiles vernissées jaune (symbolique correspondant à la couleur de la terre, du yin, de la Chine, du milieu).
Les toits peuvent atteindre un tiers de la profondeur de la salle. Ils sont incurvés ce qui donne l’impression de planer et permettre à l’eau de mieux s’écouler. Les toits débordent. Ils offrent une protection en cas de soleil et en cas d’intempéries protègent les murs de l’humidité.
Le feu reste l’ennemi de ces constructions en bois. D’où ces grosses jarres en bronze qui étaient remplis d’eau et que l’on chauffait en hiver.
On retrouve les lions de bronze que j’ai déjà évoqué dans l’article du temple des Lamas. Ainsi que le dragon, animal céleste, présent dans l’imaginaire chinois depuis le néolithique. Dormant l’hiver dans les fleuves et les rivières il s’y gorge d’eau ; réveillé au printemps par le fracas des pétards, des gongs et des cymbales de la fête du nouvel an il entame alors sa montée vers le ciel d’où, une fois parvenu à sa culmination du solstice d’été, il déversera son eau bénéfique sous forme de pluie irriguant les cultures en terrasses. L’automne venu il entamera sa descente vers les profondeurs liquides pour y hiverner jusqu’au prochain cycle. Le dragon deviendra à partir des Han le symbole impérial. La cité comporte 12654 représentations de dragons sur les portes, les toits, les ponts, les escaliers, les plafonds, les poutres, les piliers, les accoudoirs…
A l’extrémité de chaque arête du toit se trouve des animaux imaginaires en terre cuite disposés en file indienne : les guilongzi. Ce sont des protecteurs chargés de défendre les bâtiments des maléfices. Ils sont toujours en nombre impair de 1 à 9 suivant l’importance rituelle du bâtiment qu’ils défendent.
A l’intérieur des salles on trouve des piliers en cèdre pouvant atteindre 13m de haut et très large. Pas facile à voir vu le monde et l’on ne peut pas pénétrer à l’intérieur. En tous cas les salles sont immenses.
Le Palais de l’harmonie préservée servait à recevoir les princes vassaux et les princes étrangers. On y donnait audience et des banquets y étaient organisés.
Le palais de l’union était la salle de l’impératrice. Lors de son mariage elle y recevrait les femmes (princesses, favorites, concubines, servantes de 1ère classe) vivant dans la cité. Un hommage solennel qui était renouvelé chaque année le jour de son anniversaire.
Le palais de la pureté céleste est une salle audience pour les ambassadeurs et servait aussi pour l’exposition des cercueils des empereurs avant les obsèques.
Pour les autres palais soit il n’y a rien à voir ou le palais de la tranquillité qui était la chambre de l’impératrice et la chambre nuptiale, les vitres étaient tellement sales que l’on ne voyait pas grand chose.
La visite m’a bien pris 2 à 3h. Après il a fallu que je fasse le tour par l’extérieur pour revenir sur la place Tian An Men.
C’est ici qu’en 1989, les étudiants, les ouvriers, toutes les couches populaires, l’école du parti manifestent sur la place Tian An Amen. Des étudiants font une grève de la faim.
Le premier ministre Li Peng convint Deng Xiaoping que les manifestants ont pour unique objectif de renverser le parti. La loi martiale dans certaines localités est instaurée. L’armée populaire fait route vers Pékin.
Avant 1989 Deng Xiaoping pensait que le débat idéologique suffisait à combattre le mouvement de libéralisation de la société. En 1989 il décide que l’idéologie ne résout rien aussi il faut répondre par la force.
L’ordre est donné à l’armée d’évacuer la place. La violence de l’armée est telle que plusieurs militaires seront tués par les manifestants. Plus de 1300 personnes ont été tués.
Le lendemain un homme seul se tient devant un char.
A partir de là il n’y a plus jamais eu de débats sérieux sur la réforme politique. Le débat a été prohibé jusqu’à aujourd’hui.